jeudi 1 juillet 2010

Louvain-la-Neuve - Istanbul en stop!

Après une bonne semaine de vagabondage sur les routes d'Europe, je suis arrivé lundi à Istanbul. J'avais commencé à rédiger ce premier émile du balcon de l'appartement de Rabia, situé dans un quartier chic de la rive asiatique d'Istanbul, pour le terminer à la fin de cette première journée du forum social européen.

Le voyage m'a pris huit jours, pour parcourir environ 2500 km. Plus qu'un moyen économique de voyager, le stop (et plus précisément dans mon cas présent l'auto-stop, le camion-stop et la camionnette-stop) est un formidable moyen de rencontrer ce qu'on peut appeler les paysans locaux.

Dimanche 20 juin
C'est ainsi que j'ai débuté le dimanche 20 juin de LLN avec Valentin, étudiant ingénieur en matériaux terminant sa quatrième année, qui venait de vider son kot, et s'en retournait vers son foyer de Champion. Là, après un quart d'heure d'attente, j'ai été pris par Yvonne qui, malgré un travail bien payé dans une boîte pharmaceutique (dont je tairai le nom), déplorait la mentalité de celle-ci et semblait bien décidée à réorienter sa carrière. Elle me déposa à Soumagne, sur une aire de repos, à proximité d'Evegnée-Tignée, où j'ai planté ma tente dans un pré jouxtant un quartier résidentiel.

Lundi 21 juin
Le lendemain, Wim me faisait entrer en Allemagne où il travaille comme informaticien pour une firme textile présente au Bangledesh. C'est un autre néerlandophone, Bernard, qui m'a ensuite amené jusqu'à Wülzburg dans son camion frigorifique à -22°C. Il transportait du poisson venant d'un pays nordique. Pour la petite histoire, la consigne est de -18°C mais il prend une marge pour être sûr qu'on ne refuse pas ses produits à l'arrivée! Le temps est passé très vite au fil d'une conversation bilingue: lui en français et moi en néerlandais, comme plus tôt avec Wim, bien loin des prises de tête communautaires. Un Allemand dont j'ai oublié le nom m'a alors fait progresser sur l'autoroute de Nürnberg, et m'a laissé au croisement qui permet d'aller vers Prague. Faire du stop sur une autoroute allemande, à la nuit tombée, ce n'est pas ce qui est le plus sûr au monde. J'ai donc passé la rambarde, et me suis enfoncé dans le bois avoisinant. Into the wild? Non, même pas. Après 100m, un chemin asphalté qui m'amena jusqu'au petit village de Winkelhaid où la famille Lang me réserva un bon accueil, alors que je cherchais une connexion internet.

Wim et Bernard

Mardi 22 juin
Après une nuit de camping dans leur jardin, Maria m'a déposé mardi matin deux villages plus loin, à l'entrée de l'autoroute pour Praha, où une femme allemande d'une cinquantaine d'année m'a pris en décapotable pour quelques dizaines de km, jusqu'à une station service. Après ce trajet décoiffant, je vis un camion espagnol à l'arrêt. Alfredo, routier Péruvien, conduisait des melons depuis Almeria, où il habite depuis une dizaine d'années, jusqu'en Tchéquie. Cette fois la température n'était que de 7-8°C pour ces melons jaunes et ovales, provenant de cet endroit bien connu pour le peu de soucis des externalités environnementales (les pesticides et engrais sont utilisés à outrance) ou sociales (non seulement des Nord-Africains, mais également des travailleurs des pays de l'Est y sont « employés » de façon douteuse). Alfredo me déposa à l'entrée de Praha, non sans quelques remarques d'un machisme profond, où Ivar, un sympathique Roumain me permit de rallier une bouche de métro de la capitale tchèque. Ne parvenant pas à changer mes euros à cet endroit décentré, je pris donc le risque de monter sans ticket, payable en les seules couronnes tchèques. Malheur: un contrôle renforcé à la sortie d'une des stations principales greva mon budget jusque là parfaitement contrôlé. Le soir, je fus hébergé par Jakub, un étudiant en management, dans une tour étudiante typique.

Maria et Alfredo

Mercredi 23 juin
Le lendemain, le stop s'avéra compliqué, et après une heure d'attente, je décidai de rejoindre l'aéroport. Comme lors de précédents voyages, cet endroit s'avéra très efficace. La troisième personne abordée allait dans la bonne direction et accepta de m'embarquer. Avec Pavel, ce fut une agréable visite guidée de la ville, jusqu'à une station service, pourvue d'un restaurant Mac Donald. Comble de la malbouffe, et symbole multinational des errances du capitalisme, ce Mac Do me fournit quand même une connexion internet gratuite pour la modique somme de 20 couronnes, soit le prix d'un milkshake fraise, ou plutôt d'un mélange chimique mélangé à l'eau, coloré en rose, et refroidi à grands coups de Kwh. L'endroit était idéal pour le stop, et j'ai rapidement trouvé Daniel, « Sexy Boy » comme affiché sur sa camionnette, allant retrouver son appartement à Brasov, en Roumanie.

Les kots de Praha et "Sexy Boy"


Jeudi 24 juin
La traversée avec Daniel fut longue, 22h en tout avec seulement quelques heures de sommeil, et un passage magique dans les montagnes de Transylvanie, où l'agriculture paysanne semble avoir pu subsister. Fatigué de ce trajet, je passai la journée du vendredi à Brasov, avec un campement près d'un lac, proche de la route menant à Bucarest, sur laquelle je stopperais le lendemain.

Vendredi 25 juin
Je fus pris par Árpád, livreur en camionnette, qui me parla des difficultés de son pays. En effet, le jour même, le gouvernement roumain prenait des mesures d'austérité draconiennes: 25% de salaire en moins pour les fonctionnaires, entre autres. Il m'expliqua que les industries et l'agriculture du pays avaient sombré après la chute de Ceaucescu. J'avais en effet observé un grand nombre d'usines abandonnées lors de ma traversée Ouest-Est du pays. Quand je lui ai demandé s'il y avait de l'agriculture biologique, il m'a montré le champ en bordure de la route, puis a pointé du doigt son volant. Incroyable! C'est donc cela que lui évoquait ce mot. J'ai même vu le mot « Ecologic » sur des pompes avant Bucarest. La plupart des légumes roumains sont en fait importés, et tout est chimique là-dedans, à part peut-être en Transylvanie. Árpád me déposa à Bucarest, où Simona puis Gabi m'ont bien accueilli. Membre de Couchsurfing, Gabi était mon premier hôte prévu, et la discussion politique de la soirée m'a permis de découvrir un analyste financier plein de bon sens.

Árpád, Sara, Gabi et moi.

Samedi 26 juin
Après un long moment passé avec Gabi et Sara, ils me déposèrent sur la route de Giurgiu, avant qu'un Bulgare dont j'ai oublié le nom m'amène jusqu'à Ruse, juste après la frontière. Là-bas, le stop ne fonctionnant pas, je me retrouvai à chercher un endroit où planter ma tente. La technique du jardin chez l'habitant paraissait plus sûre, au vu des nombreuses mises en garde qu'on me fit. C'est là que j'ai découvert l'hospitalité incroyable de Dilyan, marin travaillant en Allemagne, qui me montra tout fier son jardin et ses légumes bios, après une rasade de vodka. Il m'invita même à occuper une chambre de la maison qu'il rénove.

Dilyan

Dimanche 27 juin
Voulant arriver à Istanbul dans la journée, je pris la route tôt. Les trajets furent courts, entrecoupés de temps d'attente parfois longs. C'est ainsi que je fus d'abord pris par Marc, apiculteur du dimanche qui me conseilla un chemin sympa pour traverser la région. Après lui, ce fut Ivan, qui me déposa en semi-remorque à Razgrad dans une côte. C'est là que me prit Svetoslav, dans son épave roulante qui avait bien du mal à passer la côte. Pour cause, il transportait 25 tonnes de maïs! Il me déposa à Sumen où, après 10 km de marche, je suis arrivé à la route indiquée par Marc. L'endroit était bon, mais les gens n'allaient pas loin. Deux jeunes pêcheurs m'ont emmené un peu plus loin où se trouvaient des serres de tomates et un petit magasin certainement pas bio. Après une communication difficile, Christian, un Turc vivant à Smyadovo m'y emmena.

Marc et Svetoslav

Là, ma patience fut mise à rude épreuve et je pus laisser échapper un cri de victoire quand une voiture s'arrêta enfin. Deux biologistes bulgares, Elena et Ilhian ont été mes sauveurs. Elena est par ailleurs membre d'une organisation qui a réussi à interdire la production d'OGM en Bulgarie, grâce à une mobilisation citoyenne conséquente. Avec eux, j'ai traversé la chaîne balkanique qu'il parcourent en vue de la réintroduction des vautours dans ces montagnes. Il me permirent de rejoindre la jonction entre Jambol et Sofia. Là, ce fut un jeu d'enfant. Déposé près d'un parking pour camions, si près de la frontière turque, j'en trouvai rapidement plusieurs allant en Turquie. Je partis finalement avec Halil, qui m'apprit en chemin à compter jusqu'à 10 en turc. Il me déposa à la frontière mais à près de minuit, plus aucun camion ne partait vers Istanbul. Les routiers fatigués par les 8h d'avance à la vitesse de l'escargot lors du contrôle de Lesovo préférant roupiller un peu plus loin sur la route, ou sur le parking d'un motel pourri où on me demanda 25 euros pour la nuit! Refusant cette arnaque, je pris la clef des champs et dormis en bordure d'un champ de blé.

Halil
Lundi 28 juin
A l'aube, je levai le camp et me dirigeai vers les camions immobiles, et qui ne tarderaient pas à redémarrer. Je fus pris par un routier moldave, Viktor, véhiculant de la mitraille d'aluminium, qui me déposa... à Istanbul.


Quelques chiffres:
8 pays traversés
22 conducteurs dont 14 voitures, 6 camions et 2 camionnettes
Temps maximal d'attente: 2h30 à Smyadovo en Bulgarie
Plus longue distance parcourue: 1200 km, entre Praha et Brasov

5 commentaires:

  1. Salut Seb, contente de voir que tout se passe bien pour toi! ça à l'air génial comme expérience. Et ce qui est super, c'est que tes récits nous font voyager. Biz, a bientôt.Gloria

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  2. Salut Sébastien, super ce que tu viens de réaliser pour atteindre Istanbul.
    Bon vent pour la conférence, continue à nous donner des nouvelles.
    Monique

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  3. Seb,
    Comme je vois, tu n'as pas perdu ta facilité à créer des contacts rapidement et qui plus es avec des gens engagés...Que la suite de ton voyage se passe pour le mieux...Et continue à nous donner des nouvelles régulièrement...J'ail'impression d'être un peu avec toi..Bisous John

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  4. Merci pour vos commentaires. Certaines personnes ont apparemment des problèmes pour en publier. J'investigue la chose.

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  5. Hi Seb, I just started watching the films you left me, and after I finish "Money as debt", I'll give you my personal opinion on the subject. I'm also trying to learn "Lisboa menina e moça". Thanks again for giving me the chance to get to know you, and sorry for not having more time to spend with you on your last stay
    Best of luck to you
    Gabi

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